Dix sept ans de lutte contre la pauvreté. Dix sept ans qu‘elle revendique son droit de vivre. Dix sept ans à patauger dans le mensonge afin de sauver l’honneur. Dix sept qu’elle n’est plus pas. Les dix sept plus longues années qu’elle aura vécu. Du haut de cette dix neufs ans, cette belle coréenne traverse les quartiers de Séoul la tête haute, sans rien laisser paraitre du malaise qui la dévore. Pour la troisième fois du mois, elle rencontre ses charognards de prêteurs. Yong Joo n’a qu’une poignée de won a délivré à ces hommes, pas beaucoup plus que le mois dernier. Avec tout les emprunts actuels, il lui est impossible de rembourser la somme d’un bloc, mais chaque fois ; c’est le même scénario. Menace, hurlements, insultes. Elle n’est qu’une moins que rien à leur yeux, une manière de se faire du fric sur le dos de gens honnêtes. On ne parle pas de son géniteur, bien évidemment. Lui qui passe ses jours à dépenser l’argent durement gagné dans des salles de jeux puantes et malsaines, à boire des litres d’alcool pour oublier ses responsabilités. Pas étonnant que la mère de Yong Joo se soit enfuit à ses trois ans, abandonnant homme et enfant, offrant un mensonge éhonté de retour à sa fille. « Je reviens plus tard. » pas d’au revoir, pas de je t’aime. Juste de l’amertume. Il est vrai que les bidonvilles, et le manque de jugeote de son mari n’avait pas de quoi la rendre heureuse. Immigrée taïwanaise, elle avait espéré décrocher la lune sur le territoire coréen. Des rêves brisés. Yong Joo n’en a jamais voulu à sa mère, elle a rapidement assimilé les raisons de son départ. Son seul regret ? Que sa génitrice ne l’ait pas emmené avec elle. Ici, à Séoul, la vie est dure. Aucun repères ne s’offre à elle, à dix neuf ans. Elle s’occupe des bourdes de son géniteur, ce vaurien, lâche, terré dans ses enseignes de machines à sous. Malgré son dégoût, elle n’a pas le choix, il s’en prenne à elle aussi, « paie et tu auras la vie sauve. » elle rit bien de ces réflexions idiotes, elle sait que la mort peut l’attendre au tournant d’une rue, pour peu que son tuteur l’ait trahi. Bien sûr qu’elle a peur. La peur lui tord l’estomac à l’en faire vomir, mais elle dément. Elle prouve à la terre entière que jamais elle ne s’abaissera devant ces chiens malfaisants.
Dix sept ans qu’elle le subit, et voilà, que lui aussi s’évapore. Un simple appel « Je suis désolé. Au revoir. ». Jamais la colère ne l’avait possédée de cette manière, ses yeux s’embuèrent, son teint vira rouge et d’un geste d’hystérie, les bibelots posés sur la table volèrent en éclats dans le salon ! Un mélange de frustration, colère, haine. Plus jamais elle ne se ferait plumer de la sorte.
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30 LIGNES MINIMUM