bonjour bonjour. moi c'est Yoon Mi Ran mais tout le monde m'appelle comme il veut. je suis née le 10 novembre 1988 à Wellington en Nouvelle Zélande de parents coréens. oui, vous avez compris, je suis coréenne et fière de l'être. j'ai donc 23 ans et à l'heure qu'il est je travaille en tant que prof de danse pour des ados en difficulté. vous devez savoir que je suis célibataire et je ne me cache pas d'être hétérosexuelle. encore une chose, je fais partie des fake friends. |
this is my tragic story
♠ take me, i'm alive, never was a girl with a wicked mind ♠
Si je suis née à Wellington, si loin du pays qui a vu naître mes parents, c'est que ces derniers étaient de vrais nomades avant ma naissance. Elle était chanteuse dans un groupe qu'elle avait créé à l'école, il était guitariste, et tous deux se sont rencontrés en dernière année de collège. Il n'a jamais voulu intégrer son groupe, elle n'a jamais voulu chanter pour lui, mais ils s'aimaient, au point de se suivre l'un l'autre au grès de leurs besoins et de leurs envies. Ils n'avaient pas de famille ni l'un ni l'autre, ni beaucoup d'argent, mais le peu qu'ils possédaient, ils le dépensaient intégralement en folies : mon père possédait une quantité impressionnante de basses et de guitares, ma mère louait un piano dans chaque ville où nous nous installions, et ils voyagèrent dans toute l'Asie, jusqu'à la Russie puis enfin, la Nouvelle-Zélande, où ma mère apprit qu'elle était enceinte de moi. Elle avait 19 ans, mon père en avait 18, ils avaient tous deux abandonné leurs études au lycée et ne vivaient que de représentations de ci de là. Mon arrivée les força à s'assagir. Mais pour avoir vécu avec eux pendant les quinze premières années de ma vie, je peux vous dire qu'ils ont toujours gardé ce coté enfantin et libre qui les caractérisait. Enfant, je leur en voulus souvent de ne pas être là tous les soirs pour moi. Je prenais leurs rêves pour des caprices, et leur acharnement à les combler pour de la puérilité. Malgré tout ça, j'eus une enfance heureuse, même si je pense avoir grandi trop vite, forcée d'être mâture par la force des choses, au point que parfois, j'avais l'impression d'être la mère de mes propres parents. Peut-être mon caractère posé et ma capacité à tout entendre vient de là. Mais s'il y a bien une chose dont vous devez vous souvenir, c'est que je n'ai jamais été aussi heureuse qu'en ce temps-là, qu'ils s'aimaient comme jamais personne n'a pu s'aimer et qu'ils m'aimaient encore plus que cela. Nous trois, nous étions les plus heureux du monde.
♠ show me all the things that I shouldn't know ♠
Un jour, j'ai quinze ans, et en revenant de l'école, je trouve tous mes voisins attroupés au pied de notre vieil immeuble. Cet immeuble était vraiment pourri, situé dans un quartier tout aussi délabré, loin du centre de Wellington, perché sur les collines qui font face à la mer. Dans ce quartier, tout le monde se connaissait, et chacun de mes voisins au moins avait un jour joué le rôle de mon père ou de ma mère les soirs où ces deux-là s'amusaient trop dans les bars à concert ou dans les spectacles de rue pour revenir m'aider à faire mes devoirs. Ce jour-là, tous portaient la nouvelle sur leur visage. Mes parents étaient morts, et bien sûr, fidèles à eux-mêmes, ils étaient morts ensemble et guitare à la main. C'était la nuit précédente, avec leurs amis, ils animaient une performance sur une place, il y avait du monde, une voiture avait foncé dans la foule. Beaucoup de blessés, beaucoup de morts, on n'avait pas identifié les victimes tout de suite, et j'étais partie à l'école le matin même sans savoir que mes parents n'étaient déjà plus de ce monde, trop habituée à ne pas les trouver réveillés au petit déjeuner, songeant avec autant d'amour que d'agacement qu'ils faisaient véritablement de bien pauvres parents. Mais bon, ils étaient partis, et j'ai pleuré, mais pas tant que ça, parce que, que je le veuille ou non, je me sentais capable de m'en sortir sans eux.
Voilà, mes parents étaient morts, et maintenant ? J'avais quinze ans et je devais attendre un an de plus pour imposer légalement mon indépendance à la société. En attendant, je vécus comme dans un rêve, rien ne me touchait, rien ne me blessait, je ne pleurais ni ne riais jamais, ne m'étonnais de rien. Ataraxie, diagnostiquèrent les médecins. Un jugement qui ne me fit ni chaud ni froid d'autant plus qu'il était faux, mais qui fascinait tous ceux qui eurent ma garde à un moment ou à un autre. C'était incroyable de me voir hausser les épaules quand le chien de mes premiers parents adoptifs, que j'aimais beaucoup - le chien, pas les parents - se fit écraser par la voiture du facteur. Impressionnant, lorsque deux filles de mon lycée me rackettèrent pendant trois semaines sans que cela ne me dérange, jusqu'à ce que je déménage à nouveau direction un autre foyer. Cette période de ma vie, honnêtement, j'en garde de bons souvenirs. Vu que je me fichais de tout. Trop facile... Enfin, j'eus seize ans, enfin, je fus déclarée légalement autonome. Je retournai vivre dans mon ancien quartier, retrouvai les acteurs de mon enfance si heureuse et tentai de redevenir l'enfant que j'aurais dû être. Mais seize ans, sans personne pour m'imposer de limites... disons que pendant quelques années, je fis beaucoup de bêtises, de mauvaises rencontres et de piètres décisions. Mais je n'ai jamais autant appris que durant cette période où je ne cessai de faire les mauvais choix. Et c'est en fréquentant les pires clubs de la ville que j'appris à danser et à juger les hommes.
♠ i am wandering right through existence ♠
Le jour de mes 18 ans, tout l'immeuble se cotisa pour me payer un aller-retour vers Séoul, en Corée, un pays que je connaissais à peine mais auquel mes parents furent toujours attaché. Je partis donc. Une fois encore, seule, une fois encore, livrée à moi-même dans une ville qui ne dormait jamais et où il était trop facile de se perdre. Je me suis tellement bien perdue que j'ai abandonné l'idée de retourner à Wellington. J'ai vécu de petits boulots, appris la langue, les coutumes, me coulant dans le moule d'une société pourtant à mille lieues de celle de mon enfance. Mais j'avais gardé de cette dernière ma capacité à m'adapter à toutes les situations, à toutes les personnes, sans jamais me sentir atteinte par quoi que ce soit. Les gens prirent cela pour de la réserve, voire de l'extrême politesse. En vérité, j'étais curieuse et affamée d'en apprendre plus sur cette ville qui avait vu mes parents naître, grandir et se rencontrer pour ne plus se quitter. Je tentais de reprendre mes études mais abandonnais vite, ne supportant pas la compartimentation morale qu'imposaient les professeurs. Je voulais apprendre ce que je voulais, comme je voulais, je n'aimais que la musique, la danse, la mode et le dessin, rien qui aurait pu me permettre de vivre correctement à Séoul. Encore une fois, je fis des rencontres, certaines bonnes, d'autres mauvaises, vivant la nuit, dormant le jour, sans but ni rien à faire ou à dire à qui que ce soit. Durant cette période, je fis vraiment n'importe quoi, reproduisant mon quotidien à Wellington : bars, clubs, me réveillant souvent dans des lieux insolites et auprès de types inconnus. Tentant toujours le diable, cherchant les ennuis, brûlant la chandelle par les deux bouts simplement parce que je ne savais pas comment faire pour m'arrêter, pour m'imposer une limite. Simplement parce que je n'avais peur de rien et surtout pas de souffrir.
♠ to all of you who've wronged me, i am a zombie ♠
J'avais 20 ans et pas grand chose à faire dans la vie quand j'ai rencontré un homme dans un bar, une rencontre classique à en pleurer. Nous bûmes trop, nous dansâmes beaucoup, il était plus âgé que moi et visiblement marié, mais ça m'était égal, tout plutôt que d'être seule. Quand il me fit monter dans sa voiture, je pris la peine de me remaquiller. Nous atterrîmes dans la salle de sport pourrie d'un lycée délabré de banlieue, et il passa la nuit à me raconter tous les efforts qu'il faisait pour reconnecter ses élèves à l'existence. Il allait et venait, faisant de grands gestes, tantôt énervé, tantôt malheureux, tentant de me faire comprendre à quel point ses gosses méritaient une seconde chance, et je le laissai parler, un peu étonnée de la tournure qu'avait pris notre nuit. Il me proposa de travailler dans son lycée, d'apprendre aux jeunes à danser. Il avait tout un réseau de connaissances, des gens comme lui qui travaillaient dans différents milieux, école, associations, qui pouvaient avoir besoin de moi. C'était payé une misère, mais c'était pour la bonne cause. Je haussai les épaules et acceptais, et pourquoi pas après tout ? Je me fichais bien de tout ça. A Wellington comme à Séoul, je cherchais encore à revenir à la vie, persuadée de m'en sortir parfaitement bien, d'avoir une vie normale, alors que le jour où mes parents étaient morts, j'étais morte aussi, à ceci près que je marchais encore sur cette Terre et pas eux.
♠ and twenty-three years I've been awake, waiting for the day to shake ♠
Cupid's Heaven Agency, c'était ce qu'il y avait de marqué sur la carte de visite que me tendit un jour un des jeunes dont je m'occupais trois fois par semaine. Il vantait son père adultère, qui fréquentait des filles parfaites depuis qu'il s'était inscrit à cette agence de rencontres, fier de son paternel, se moquant de sa mère qui ne comprenait rien, se délectant des femmes que son père ramenait chez lui quand sa mère travaillait tard, une différente tous les mois. Je gardais la carte et allais le soir-même trouver la Cupid's Heaven Agency. Parce que j'avais besoin d'argent, parce que je m'ennuyais, parce que fréquenter des hommes, c'était une chose que je savais faire et qui ne m'effrayait pas, parce que le concept ne me rebutait absolument pas, peut-être aussi parce que je cherchais l'électrochoc capable de me réveiller.
Depuis trois ans, je suis une fakefriend, et je suis heureuse, selon ma propre définition. L'agence de rencontres a ses méthodes bien à elle, et pour dire la vérité, je m'en fiche totalement. Je suis payée, on ne me force pas à rester avec la même personne trop longtemps, et pour tout le reste, eh bien, comme d'habitude... rien ne m'atteint.
♠ Je suis mature et calme.
♠ Je suis claustrophobe et j'adore les hauteurs.
♠ Je peux avoir la langue acérée mais j'ai de la conversation.
♠ Je pense que les promesses n'engagent que ceux qui les croient.
♠ Je ne pleure pas souvent, mais quand ça arrive, plus personne ne peut m'arrêter.
♠ Je ne me rebelle quasiment jamais, en tout cas pas pour moi.
♠ Je suis protectrice avec ceux qui comptent pour moi.
♠ Je suis attentive, à l'écoute et de bon conseil pour les autres.
♠ Je ne connais pas encore mes limites et ne sais pas prendre soin de moi-même.
♠ Je n'attends pas grand chose de la vie, donc il m'en faut peu pour me surprendre.
♠ Je suis claustrophobe et j'adore les hauteurs.
♠ Je peux avoir la langue acérée mais j'ai de la conversation.
♠ Je pense que les promesses n'engagent que ceux qui les croient.
♠ Je ne pleure pas souvent, mais quand ça arrive, plus personne ne peut m'arrêter.
♠ Je ne me rebelle quasiment jamais, en tout cas pas pour moi.
♠ Je suis protectrice avec ceux qui comptent pour moi.
♠ Je suis attentive, à l'écoute et de bon conseil pour les autres.
♠ Je ne connais pas encore mes limites et ne sais pas prendre soin de moi-même.
♠ Je n'attends pas grand chose de la vie, donc il m'en faut peu pour me surprendre.